De la découverte de systèmes opioïdes endogènes : vers une meilleure compréhension clinique du symptôme douloureux et de son traitement.
Les auteurs de cette étude abordent préalablement 8 notions relatives à la douleur et à son approche thérapeutique. Ils rappellent qu’au mot « douleur » a longtemps été associée la notion de peine ou punition et que celle-ci possède par essence une dimension culturelle et expérientielle prépondérante. L’identification en 1973 des récepteurs aux opiacés a modifié profondément l’appréhension du symptôme douloureux par le corps médical, ouvrant la voie à des recherches plus approfondies sur les mécanismes actions et d’interrelations mis en jeu.
Les auteurs abordent ensuite la notion d’addiction aux opiacés. Pendant des siècles les effets de l’opium ont été attribués au divin et si d’aucuns le pensent encore, l’évolution des sciences et des techniques a conduit à l’identification deux types de récepteurs endogènes. L’application dans le champ de la douleur n’a cependant pas été immédiate, le corps médical se refusant obstinément de tirer des conséquences pratiques de ces découvertes issues des recherches sur les drogues.
Puis sont abordés l’aspect neurobiologique et les réactions face à la douleur. La douleur peut être due à une lésion tissulaire. Les mécanismes physiologiques paraissent cependant bien plus complexes et les neurosciences nous incitent à abandonner une vision trop simpliste. Dans une situation d’urgence, est-il ainsi possible de ne percevoir aucune douleur au moment de survenue d’une blessure, témoignant de l’absence de relation directe entre le stimulus et la réponse subjective.
De nombreux travaux ont mis en évidence des processus descendants modulant cette douleur sans pour autant expliquer tous les effets sur la perception du symptôme douloureux par les patients. Il a été proposé récemment de considérer la nociception comme un élément fondamental du processus physiologique même en l’absence de perception de la douleur. Cette nociception peut devenir consciente en cas de modification du traitement central de cette information. Ainsi, le concept de perception de la douleur, distinct de la nociception, est façonné par l’apprentissage émotionnel et pose la douleur comme un état motivationnel comportemental conscient ou inconscient.
La douleur fait partie des systèmes de survie du corps, propre à assurer la protection de l’organisme. Elle présente une dimension affective et sensorielle. L’imagerie a démontré que les régions sensibles à la douleur ne sont pas exclusivement dédiées au processus nociceptif. Moseley considère ainsi ces zones plus comme permettant la détection du danger que dommage.
Les auteurs soulignent l’implication du système endogène dans la socialisation, au motif qu’il intervient lors des événements de récompenses et de dépendance. Plus les interactions sociales sont importantes, plus le système endogène est complexe.
Positionnement
La douleur chronique est considérée comme une réponse neuropathologique inadaptée, caractérisée par une implication plus importante de cerveau limbique ou émotionnel. L’insuffisance d’inhibition de la douleur endogène peut être à l’origine de de nombreuses pathologies, tels que la fibromyalgie, l’intestin irritable, etc. Le stress est un élément important dans la douleur, qu’il soit lié à un traumatisme ou à la dépression. Il semble exister un lien évident entre la dépression et les douleurs chroniques et que cette relation apparaît bilatérale. L’effet des opiacés tant sur la douleur que sur la dépression suggère des processus communs et oblige à ne plus considérer la dépression comme une simple réaction émotionnelle. La douleur n’est pas uniquement un système d’alerte puisqu’elle permet également d’adapter des comportements complexes.
La dépendance a longtemps été pensé comme une phénomène d’inadaptation de la récompense au niveau du cerveau et la douleur comme un événement périphérique négligeant le rôle crucial de celui-ci. La douleur chronique doit être considérée comme une mauvaise adaptation de la douleur physiologique, ce qui implique une notion d’apprentissage et d’adaptation. Le système opiacé endogène est responsable de ces processus.
La douleur est l’une des principales plaintes des patients. Il convient donc pour le thérapeute d’appréhender la physiologie complexe du système mis en jeu pour comprendre le patient, évaluer efficacement son symptôme et ainsi lui proposer des solutions adaptées.
Article original
De la découverte de systèmes opioïdes endogènes : vers une meilleure compréhension clinique du symptôme douloureux et de son traitement.
Discovery of endogenous opioid systems: what it has meant for the clinician’s understanding of pain and its treatment. Ballantyne JC, Sullivan MD. Pain. 2017 Dec;158(12):2290-2300. doi: 10.1097/j.pain.0000000000001043.
Pour la pratique
La douleur est un phénomène complexe qui oblige à appréhender le patient dans sa globalité. Cet article ouvre la voie à une prise en charge renouvelée des patients douloureux chroniques.